Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes aurait pu s’appeler : Laïcité ne cédons jamais.

Il n’est nullement question d’un livre testament, mais d’une énorme mise au point

Comment a-t-il été possible que sur ces dix dernières années, l’équipe de Charlie, qui depuis 23 ans, a toujours mené le combat pour une démocratie effective, contre toutes formes d’absolutisme, dénonçant sans cesse toutes formes de fanatismes, d’obscurantisme – religieux, sectaires, flatteries démagogiques, qui se bat contre la désinformation tout autant que contre l’abrutissement collectif, qui se bat pour l’égalité des droits, femmes et hommes, pour des papiers pour tous, pour un logement décent pour tous, pour une écologie  effective elle aussi, pour le développement durable, comment cette équipe a pu se retrouver au cœur d’une accusation abjecte : celle d’être raciste au nom de l’islamophobie.

Charb m’avait dit : je passe la moitié du temps à faire le journal, et l’autre moitié désormais, je dois expliquer pourquoi je le fais. Dessiner, écrire et en plus dire : que nous critiquons une religion, quelle qu’elle soit, parce que nous critiquons tous les dogmes, dogme dans le sens courant de pensée, et tout courant de pensée est soumis à la critique. Dénoncer cette foi qui oblige femmes et hommes à se soumettre, dénoncer cette idéologie meurtrière qui torture, assassine et décapite et qui demande à tous les musulmans, pratiquants ou non pratiquants, de faire allégeance sous peine d’apostat, je cite : faire exploser la France, la réduire en miettes, exploser la tête de ces kouffars ( infidèles).

L’islamophobie, concept vide de sens, étymologiquement signifie avoir peur de l’islam, mais surtout dangereux qui précisément fait le jeu des fondamentalistes et porte atteinte à la laïcité.

L’islamophobie, cheval de Troie, de ces extrémistes qui rêvent la fin de notre démocratie, de notre République pour un éclatement en communautés.

L’islamophobie, concept manipulé parce qu’il s’agit de déplacer le racisme dans le champ spécifiquement religieux, et qui oblige un citoyen à se positionner en fonction d’une religion.

Concept relayé par des médias fainéants, par des politiques en mal et en quêtes de votes, par une élite intellectuelle qui au lieu de se battre avec la plus grande rigueur et intransigeance pour la laïcité, préfère avec des arguments et des sources plus que discutables, la division. Or défendre la laïcité, c’est choisir de défendre un chemin, un avenir commun, c’est refuser tout repli sur soi des minorités tout en considérant et mieux en résolvant les difficultés de ces minorités.

Ce livre nous dit qu’il ne faut jamais céder à aucune pression, d’aucune communauté qui entendrait conquérir une existence visible en tant que telle, existence qui serait reconnu en raison d’intérêts spécifiques. Et pourquoi pas des droits spécifiques ?

Avec des usurpateurs qui considère que le vivre-ensemble ne nous concernerait pas en tant que citoyens, mais en tant qu’appartenant à une communauté : catholique protestante juive musulmane bouddhiste athée. Et pourquoi pas la communauté des clowns, … tant qu’on y est ?

Ce livre affirme qu’aucune liberté des uns ne saurait s’opposer à celle des autres, mais qu’aucune misère ne pourra jamais être une raison pour justifier des menaces, des appels aux meurtres et je rajoute aujourd’hui, des meurtres.

Ce livre le redit encore et encore : il est utile et nécessaire de pouvoir s’attaquer aux tabous et le jour où nous nous inclinerons devant les tabous afin de ne froisser personne, nous aurons cédé, et aux menaces, à la peur, aux lois de la violence, aux impératifs dits religieux, menés par ceux qui ont commencé et continue une guérilla urbaine, sans cesse et sans fin, contre l’indifférenciation républicaine.

 

Tarik Ramadan trouvait que Charb et Wolinski étaient des lâches.

En 2011, après l’incendie dans les locaux du journal, une pétition a circulé et s’intitulait : pour la liberté d’expression et contre le soutien à Charlie Hebdo

 

En mai 2015, plus de 200 écrivains,américains, entre autres, dénoncent l’attribution du prix du courage et de la liberté d’expression à Charlie hebdo parce que ce choix valoriserait un contenu offensant, un contenu qui attiserait les courants anti-islam, anti-Maghreb, anti-arabes, courants qui seraient d’après ces américains si courant dans le monde occidental.sic.

 

En juin 2015, après l’attentat en Isère dans une usine de production de gaz industriel, qui a vu la décapitation d’un homme, le Collectif contre l’islamophobie a publié un long communiqué d’où il ressort que le problème numéro n’est pas le djihadisme mais l’islamophobie.

En septembre 2015, nous avons reçu des centaines de mails haineux, appelant entre autre à finir le travail des frères Kouachi, parce que des dessins avec le petit Aylan qui dénonçaient l’émotion pétrie de bons sentiments face à la diffusion de la photo d’ Aylan et l’inertie de l’Europe ou réactions plus que tièdes face à l’afflux des réfugiés, nos dessins seraient islamophobes.

L’année n’est pas terminée et je n’ai cité que ce qui s’est passé en France. Il a largement été dramatiquement démontré depuis, dès les 8 et 9 janvier et partout dans le monde ou presque, que les victimes de ces barbares n’avaient jamais dessiné Mahommet,  soi-disant offensants dessins représentant le prophète. Démontré qu’il s’agit bien d’un prétexte pour remettre en questions, toutes nos libertés. Ces assassins ont une vision politique des plus anti-démocratiques, des plus totalitaires.

Comme Charb le faisait la moitié de son temps, il faut rappeler que Charlie hebdo est un journal satirique et d’humour, biais par lesquels nous abordons chaque semaine l’actualité, que les dessins sont là pour faire réagir, à l’inverse de ce qui est montré au premier degré.

 

Charb, ton livre va être nécessaire pendant des années, il devrait circuler dans toutes les écoles, tant il comporte des vertus pédagogiques immédiatement utilisables, avec à chaque page, à chaque ligne, une force d’écriture, force d’explications et arguments, force dont plus encore qu’hier, il nous faut faire preuve dans ce combat imposé depuis des années, douloureusement imposé aujourd’hui.