à l’appel de café Charlie Vesoul, plus de 250 personnes se sont retrouvées place de la République pour un  hommage émouvant à Samuel Paty, mort pour avoir fait son travail d’enseignant et avoir abordé un des piliers de notre république qu’est la laïcité.

Hervé, professeur d’histoire nous rappelle l’Histoire de la laïcité et la commente à partir d’articles de spécialistes. Un travail à reprendre lors d’une prochaine séance de café Charlie

Révolution française et laïcité

Michelle Vovelle

Ce qui apparait comme une exception française en Europe est volontiers associé au processus révolutionnaire caractérisé par une instabilité chronique, dès le départ opposée au pragmatisme outre atlantique.Pour Furet l’ère des révolutions est terminée, la France est « revenue » dans le sillage assagi des démocraties modernes.

Il y eut la mobilisation des Lumières contre les religions établies, leur dogme, leur fanatisme. Cette attaque atteint son sommet dans les années 1760 avec l’abolition de la Compagnie de Jésus (Jésuites). Elle reflète aussi une prise de conscience collective. Dans ce concert, la France partageait avec les autres monarchies l’union intime du trône et de l’autel. Le pluralisme religieux fait une très timide réapparition avec l’édit de tolérance de 1788, en faveur de la religion privée des protestants.

L’Eglise catholique est étroitement associée au roi qui est l’Oint du seigneur, sacré à Reims. Elle assume des fonctions d’assistance et d’éducation. Ses revenus sont importants, 6% des terres du royaume. Mais cette hégémonie est contestée.

Il se passe quelque chose à partir de 1750 ; L’espace français n’est pas monolithique ;  la vitalité de la contre réforme fléchit significativement, surtout à l’Est et au Sud-Est ;de même, contraste important entre villes et campagnes ; dimorphisme sexuel.Ces tendances se retrouvent partout en Europe. Pourtant les exercices religieux sont faits régulièrement.

A .La situation de la France à la veille de la révolution imposait-elle une pareille trajectoire ?

  • Le poids de l’aléatoire et de l’inévitable, du structurel et du conjoncturel se sont mêlés dans des combinaisons aboutissant à cette « exception » française. (À titre personnel je préfère parler d’exemplarité plutôt que d’exception).
  • La tradition conservatrice s’est partagée entre deux argumentaires :

Celui du complot des francs maçons, des illuminés et des philosophes par Barruel dès 1795 et l’écossais John Robinson en 1797.

Celui de l’irresponsabilité.

  • Les premiers temps peuvent donner l’impression que rien ne laisse présager la crise à venir. Il n’y a pas d’anticléricalisme dans les cahiers de doléances ; le bas clergé lui-même s’est rallié aux Etats Généraux. Mais derrière cette unanimité c’est plus qu’un malentendu qui se dévoile dont l’origine date du 10 octobre 1789 quand Talleyrand propose que les biens du clergé soient mis à la disposition de la Nation. C’est une réponse au profond besoin d’argent. On y voit la première étape d’une escalade inévitable : rémunérer le clergé jusqu’à sa fonctionnarisation.
  • Cette mesure serait à l’origine du second « dérapage », celui du serment de fidélité à « la Nation, à la Loi, et au roi ». De même l’abolition des ordres ; la désignation des évêques. Mais jusque là, dans les tensions avec le gallicanisme on s’en était toujours sorti.
  • La balle était dans le camp de Pie VI. Mais son attitude entretenant l’équivoque sur la constitution civile du clergé a contribué à la dégradation irréversible du problème, avec les brefs de mars et avril 1791 « quid Aliquantum et Caritas», toute ambiguïté est levée. C’est toute la philosophie de la révolution française qui est anath émisée : l’égalité, la liberté, la souveraineté du peuple. Cette proclamation sera reprise tout un siècle.

B. La Constituante multiplia les atteintes au fondement de la religion en France:

Le 28 octobre 1790 : suppression provisoire de l’émission des vœux de religion

Décembre 1790-janvier 1791 : Décret admettant les non catholiques à tous les emplois ; les droits civiques aux juifs, puis leur accès à la citoyenneté.

12 juillet 1790 : Texte définitif de la constitution civile du clergé.

Puis mise en place de la nouvelle organisation religieuse et prestation de serment. Pour la Révolution et la « déclaration des droits de l’homme et du citoyen », la loi est le produit de la volonté générale ; la Liberté et l’Egalité sont l’expression de « droits naturels ». Une désacralisation radicale a été opérée.

La liberté religieuse est établie comme l’une des formes de la liberté d’opinion, de croyance, d’expression (Voir DDHC). Le débat pour l’égalité des juifs fut vif. ; Affrontements dans le Sud entre protestants et catholiques. De plus le nouveau régime établi par la constitution civile du clergé n’entraine pas une séparation de l’Eglise et de l’Etat mais une étatisation du domaine religieux. Le trait le plus marquant en est la « fonctionnarisation » du statut des observants. Le point le plus sensible est le principe électoral pour la désignation des curés.

L’organisation dans le cadre des départements fut aussi tendue. Il était inévitable que de telles mesures provoquent de graves tensions avec la papauté, mais les constituants ne songeaient pas à une séparation. Celle-ci était-elle inévitable ?

Des circonstances contingentes ont joué comme l’intransigeance du pape ; les résistances des populations. De plus le conflit religieux a été immédiatement lié à l’affrontement politique.

Le régime de la constitution civile du clergé a duré jusqu’au 18 septembre 1794 quand la constitution  cesse de payer les salaires des ministres du culte. Ces 4 années furent des années pleines de conflits entre « réfractaires » et « jureurs » avec de gros contrastes régionaux et sociologiques. En 1791 certaines municipalités dont Paris ont essayé de transiger en tolérant les messes réfractaires, mais l’hostilité était trop forte. L’hostilité aux réfractaires provoqua des mesures répressives allant de pair avec un fort anticléricalisme dans la classe politique comme dans le peuple.

C. Quelle religion proposer à la place du christianisme ?

De l’hiver 1793 au printemps 1794, flambée destructrice contre le corps sacerdotal, essentiellement le clergé constitutionnel. Cette déchristianisation massive de l’an II fait franchir une étape irréversible. Elle confirme la bipartition des deux Frances.

L’amorce d’une religion civique préexistait à cet épisode paroxystique de l’an II : Autel de la Patrie ; Cocarde ; Drapeau ; martyrs… Mais quelle religion civique ?

  • Robespierre dénonça l’athéisme de Fouché et Chaumette. Pour lui il y a l’Etre suprême associé à la proclamation de l’immortalité de l’âme. L’Etre suprême n’est pas un nouveau venu ; il ne fait que répondre aux aspirations des déistes détachés des références chrétiennes. Pour Robespierre il satisfait un besoin d’ordre moral ; pour une rétribution des mérites il faut que l’âme soit immortelle. Mais ce culte fut emporté par la chute de Robespierre.
  • La période ouverte par Thermidor met fin au régime institué par la constitution civile du clergé, par une sorte de première séparation de l’Eglise et de l’Etat. L’Etat ne subventionne plus aucun culte ; par contre l’Etat reconnait le libre exercice des cultes, sans signe extérieur : processions, cloches, emblèmes… En fait il y eut des allègements accentués dans les ans IV et V, appuyés sur les députés royalistes. Puis période de restrictions.
  • L’Eglise constitutionnelle, décimée, concurrencée par les réfractaires, abandonnée par le pouvoir, fut le témoin héroïque de l’échec de la tentative de catholicisme au service de l’Etat révolutionnaire. Si l’Etre suprême disparaît, l’idée est reprise en l’an IV avec un cycle de fêtes civiques (14 juillet, 10 aout, 21 janvier, 21 septembre, 9 thermidor) et des fêtes morales (vieillesse, époux, agriculture…).
  • Puis ce fut le Concordat de juillet 1801. C’est une restauration. Il réintègre les religions dans l’appareil d’Etat, le catholicisme en premier.Le principe de liberté religieuse est réaffirmé.Le premier consul revient sur la nomination des évêques auxquels le Pape confère l’institution canonique ; leur délégant la charge de nommer les curés.

Il n’est pas question de rendre les biens confisqués, mais il n’est plus question d’élire les desservants qui restent des salariés de l’Etat astreints à un serment de fidélité.De cette période on peut rester sur le sentiment d’une succession d’expérimentations enchainées et contradictoires.Mais derrière l’apparente restauration que comporte le Concordat de 1801, il y a le partage laïc avec l’institution de l’état civil, le nouveau statut de la famille, la nouvelle lecture de l’espace et du temps. Plus largement la désacralisation des mentalités collectives. 

Vers un universalisme de la laïcité ?

Guy Coq

Laïcité » : du problème de la définition à ceux de l’explication

  • En 1946 la référence à la laïcité entre dans la constitution : « République laïque», mais le mot n’est pas précisé. En novembre 1945 l’Eglise de France accepte officiellement le principe de laïcité en tant que l’Etat est souverain dans l’ordre temporel, et  le libre choix de pratiquer librement sa religion.
  • Par contre l’Eglise s’oppose à une conception matérialiste et athée de la vie humaine et de la société et se donne le droit d’intervenir sur ces questions, mariage, avortement… Si les constitutions de 1946 et 1958 ne définissent pas la laïcité c’est que celle-ci est un principe déjà bien clarifié dans le droit.Le mot « laïcité » se forme à un moment assez tardif dans notre langue. Il se trouve introduit dans une déclaration du Conseil général de la Seine dans les années 1870, dans la commune de Paris.Mais il y a parfois une absence de rigueur sur l’origine du mot :
  • « Laos» désigne le peuple, mais aussi la masse du peuple dans son opposition à ses chefs.

Dans la Grèce antique le mot désigne les « laïcs », les gens qui viennent assister aux cérémonies du culte. Dans la bible des septante, le laos désigne la masse du peuple opposée aux chefs mais aussi aux prêtres.

(La bible des septante est la version de la Bible hébraïque en langue grecque. Selon une tradition rapportée dans la Lettre d’Aristée (IIe siècle), la traduction de la Torah aurait été réalisée par 72 (septante-deux) traducteurs à Alexandrie, vers 270 av. J.-C., à la demande de Ptolémée II.)

On est loin ici du peuple comme principe démocratique (démos).

  • Mais de laos à laïque il n’y a pas continuité. Ce dernier terme vient de laïcos: il n’apparait qu’au 3eme siècle dans l’opposition laïc/clerc. C’est dans l’Histoire chrétienne occidentale que le mot se forme, qui donnera laïque dans le sens d’ « extérieur aux choses religieuses». C’est dans ce monde là que la laïcité nait du mot laïc pour désigner la séparation de la sphère du politique de celle de la vie religieuse.

(Sur l’usage politique qui sera fait de cette notion, voir article suivant sur Ferdinand Buisson).

La liberté de l’exercice des cultes ne va pas jusqu’à faire en sorte que l’Etat se dégage de toutes responsabilité sur les lieux du culte. La loi de 1905 fut prolongée et modifiée. En 1907 elle règle le problème des presbytères en l’absence de cultuelle. ( ce sont des associations à but non lucratif selon la loi de 1901, mais avec certaines limitations : objet cultuel exclusivement (donc pas d’entraide), membres seulement individuels (pas d’association membre), nombre minimum de membres, etc., et certains avantages, notamment fiscaux.), ces biens reviennent aux communes pour les louer ou les vendre. Cette loi ne subordonne plus l’exercice du culte à l’existence d’une cultuelle déclaré.

 

Des lois de laïcisation à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat.

La politique religieuse de la Troisième République : 1879-1908

Jacqueline Lalouett

1.La victoire des républicains et le maintien du Concordat

Après l’échec de la restauration monarchique et le vote des Lois constitutionnelles de février et juillet 1875, les républicains occupent le pouvoir. Grévy devient Président de la république.

Mais tout leur programme ne fut pas réalisé, au profit d’une politique du « possible », d’où leur surnom   d’ « opportunistes ». Ils conservèrent ainsi le Concordat en en renforçant l’application.

Pour l’Eglise c’était le Concordat de juillet 1801 ;

Pour l’Etat celui d’avril 1802 et ses 77 articles organiques que Rome n’accepta jamais. (Voir note en bas de l’article). Il permet de contrôler davantage le clergé : aucun document romain ne pouvait être diffusé sans l’accord du gouvernement.

Les opportunistes pensaient que l’Eglise était encore trop puissante pour qu’on lui rende la liberté. Ferry défend le maintien du Concordat en 1879.

Mais ce maintien ne devait être que temporaire, le temps que fasse effet l’œuvre de laïcisation.

2. Le premier train de mesures laïcisatrices et anti congréganistes.

  • Les services et les administrations furent laïcisés et propagèrent les valeurs laïques dans la société et la famille.

Les Lois scolaires sont les plus connues, les plus fortes symboliquement :

  • La Loi du 28 mars 1882 laïcisa les programmes scolaires de l’école primaire par l’éducation morale et civique. L’Histoire sainte n’est plus enseignée par l’instituteur mais par le prêtre en dehors de l’école un jour de congé.
  • La Loi du 30 octobre 1886 (Goblet) laïcisa le personnel des écoles primaires publiques. Plus aucun congréganiste ne peut devenir instituteur dans une école primaire publique. Les écoles privées sont ouvertes en grand nombre. Les institutrices congréganistes purent enseigner car on manquait d’institutrices laïques.
  • Les écoles normales pour femmes ne sont ouvertes qu’en 1879.

La vie privée des français fut aussi laïcisée :

  • La Loi de juillet 1880 supprima le repos dominical (rétabli en 1906) ;
  • Celle de novembre 1881 laïcisa les cimetières;
  • Celle de juillet 1884 (loi Naquet) rétablit le divorce supprimé en 1816 par la Restauration.
  • Le mariage perd son caractère de sacrement indélébile.
  • En novembre 1887, Loi sur les funérailles, les français peuvent organiser leurs funérailles.
  • En 1887, tous les français sont tenus de faire leur service militaire, y compris les séminaristes.
  • La révision constitutionnelle d’aout 1884 supprima les prières publiques à la rentrée des Chambres.
  • La législation sur les réunions publiques s’était considérablement assouplie, en juin 1881, une déclaration en préfecture ou sous-préfecture suffit.
  • Dès les années 1880 les français bénéficient de la liberté de conscience, d’expression et de cultes.

 3. L’apaisement : Le ralliement et l’esprit nouveau

En 1878 Léon XIII remplace Pie IX, pape de l’infaillibilité et du Syllabus.  Ce n’est pas un libéral mais un négociateur plus souple, facilitant les relations avec Paris. Il comprit que la France resterait républicaine et qu’il fallait composer avec. Léon XIII avait déjà posé certains principes relatifs à la place de l’Eglise dans une société moderne ( Rerum novarum en 1891 est une encyclique qui définit l’action sociale de l’Eglise et son implication dans la société moderne, la crainte de la montée du socialisme dans le peuple et le monde ouvrier, qui aboutira politiquement au ralliement de l’Eglise à la république comme moindre mal et la création de nombreuses associations catholiques comme la JOC, JAC, JEC, aux prêtres ouvriers, aux syndicats chrétiens…).

Cette idée du « ralliement » est avancée par le cardinal Lavigerie à Alger dès 1890.

Léon XIII l’affirme en février 1892 dans son encyclique « Au milieu des sollicitudes » afin de ne pas laisser la république sous la menace des socialistes.

Il distingue les « pouvoirs constitués » auxquels l’Eglise n’avait pas à s’opposer, de la législation sur laquelle l’Eglise est appelée à agir. L’appel est minoritaire.

Cette distinction entre l’Etat dont l’Eglise accepte la laïcisation et la société dans laquelle elle entend faire prévaloir son point de vue est une constante depuis Léon XIII. Elle nourrit les mouvements de protestation comme la « manif pour tous », les « pro life » aux EU…  On la retrouve également dans certains courants fondamentalistes musulmans comme le salafisme « quiétiste » ou encore, bien que très radical dans le Wahhabbisme qui n’est pas une théorie de prise du pouvoir mais de contrôle social conformément au Hanbalisme. Par contre les « Frères musulmans ont une doctrine qui se fixe comme but la conquête et l’exercice du pouvoir par des méthodes électorales ; les groupes terroristes comme Daesh ou Al Qaeda également, par la violence extrême.

Les Républicains modérés furent enthousiastes, inquiets de la montée du socialisme et de l’anarchisme.  En mars 1894, Spuller, ministre de l’instruction publique propose un esprit de tolérance et d’ouverture.

4. Les Lois anti congrégationnistes et la Loi de séparation

Le journal « La croix » et le rôle attribué à la Compagnie de Jésus (Jésuites) dans la genèse de l’affaire Dreyfus, relancèrent l’action anticléricale. Le combat reprend contre les congrégations sous le ministère Waldeck rousseau, père de la Loi sur les associations en 1901. Les associations pouvaient se former librement mais les congrégations devaient déposer une demande d’autorisation.

Sous le « bloc des gauches », Combes fit appliquer de manière très rigoureuse ces dispositions législatives. Des milliers d’écoles cléricales furent fermées. La Loi de juillet 1904 interdit à tout congréganiste d’enseigner, y compris dans les écoles privées. La laïcisation des locaux devint obligatoire.

Des propositions de séparation de l’Eglise et de l’Etat sont avancées alors que les relations entre Paris et Rome se dégradent, notamment lors du voyage de Loubet à Rome. La note du pape aux chancelleries est publiée dans « l’Humanité ».

Le texte proposé pose comme principe la liberté de conscience et la liberté des cultes.

Il met fin au régime des cultes organisés et subventionnés par l’Etat.

Pour chaque culte, formation d’associations cultuelles gérant les biens mobiliers et immobiliers.

Les ministres des cultes (prêtres) reçoivent une pension. La Loi fut promulguée le 9 décembre 1905.

Cette Loi assure aux ministres des cultes une liberté dont le concordat les privait. Le Vatican refusa ce projet. La réalisation des inventaires donna lieu à de violents incidents.

  • L’ajout des Articles organiques

Sur une suggestion de son ministre des Affaires étrangères, Talleyrand, ancien évêque d’Autun, le Premier Consul commande au juriste Jean Portalis de rédiger des «Articles organiques». Ces 77 articles, destinés à préciser les termes du Concordat débouchent sur une sévère limitation du pouvoir du Saint-Siège sur le clergé national.

Ils imposent l’enseignement dans les séminaires des «Quatre Articles» de la déclaration gallicane adoptée par le clergé français en 1682, sous le règne de Louis XIV :
1) les papes ne peuvent déposer les souverains ni délier leurs sujets de leur obligation de fidélité,
2) les décisions des conciles œcuméniques priment sur les décisions pontificales,
3) le pape doit respecter les pratiques des Églises nationales,
4) il ne dispose enfin d’aucune infaillibilité.

  • Les Articles organiques prévoient par ailleurs que toutes les décisions des synodes et des conciles devront être approuvées par le gouvernement pour être applicables en France. Ils limitent enfin la liberté de mouvement des évêques.

Malgré cette entourloupe contre laquelle proteste en vain le pape, le Concordat consacre le retour de la paix religieuse. Il est resté pour l’essentiel en application en France jusqu’à la séparation des Églises et de l’État, en 1905.

A l’école des principes élémentaires de la laïcité :

Exemplarité et singularité de Ferdinand Buisson (1841-1932)

  1. Hayat

 

La laïcité apparait comme historiquement et structurellement polémique. Elle apparait pourtant s’imposer comme l’ultime condition d’un « vivre ensemble » démocratique et pacifique. Conquête historique, rien ne garantit son irréversibilité. A travers F. Buisson, directeur de l’enseignement primaire de 1879 à 1896, et maître d’œuvre des lois scolaires de la troisième République, on peut revenir aux fondements philosophiques de la laïcité.

1. Un néologisme polémique

Buisson fut d’abord un théoricien de la laïcité républicaine. Quand il rédige l’article en 1883 pour le « dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire », le terme a 12 ans. A quel besoin politique répond-il ? « Laïc » vient de « laos » qui signifie « peuple ». Dans les premières communautés chrétiennes il désigne ceux qui ne sont pas du clergé. Le clerc est valorisé. « Clerc » signifie « Qui appartient au bon « lot ».

Buisson retourne l’opposition. Le laïque devient celui qui n’accepte pas la domination exercée par les clercs. C’est le peuple, l’esprit laïc c’est l’ensemble des aspirations populaires. La laïcité est comme l’attestation symbolique de la souveraineté du peuple. Elle récuse l’idée selon laquelle toute volonté vient de dieu. Un refus des prétentions du cléricalisme.

2. De la sécularisation à la laïcité

Buisson présente la laïcité comme une longue évolution de sécularisation passant de la confusion de tous les pouvoirs subordonnés à l’autorité religieuse, à une distinction des différentes fonctions de la vie publique, affranchies de la tutelle de l’Eglise.

Mais le passage de la sécularisation à la laïcité marque un changement de plan. Elle recentre le projet républicain sur la question religieuse et parvient à enraciner la république en libérant les services publics essentiels de la tutelle de l’Eglise. Du coté religieux elle affirme la possibilité du pluralisme des croyances.

Le problème de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ne fut pas posé comme tel par la révolution. Buisson en est partisan. Une fois au pouvoir, l’urgence était l’immense chantier de la laïcisation de l’école afin d’élever le niveau d’instruction du peuple et d’arracher les enfants à l’emprise de l’Eglise.

La séparation Ecole-Eglise s’est d’abord imposée avant de prévaloir comme principe étatique. La séparation fait référence à la neutralité. De plus les enfants sont admis sans distinction d’appartenance ou non appartenance religieuse, sans représentant de communautés religieuses.

(Réflexion personnelle : De ce point de vue, la laïcité dans l’école suppose de la part de l’Etat ce qu’on peut nommer un « consentement » : c’est-à-dire que l’Etat consent à organiser et financer une école qui, dans l’exercice positif de la laïcité en viendra à analyser et remettre en cause ses fondements, ceux de l’Etat, son organisation constitutionnelle, ses politiques… au nom de la raison critique. Ce consentement n’est jamais acquis définitivement. Il se matérialise dans le statut des enseignants et leur liberté pédagogique. Sa remise en cause au profit d’un modèle entrepreneurial, par exemple, dans lequel le chef d’établissement ou le directeur en viendrait à recruter lui-même ses enseignants sur la base de « projets » signerait la fin de la laïcité réelle dans l’école.)

La neutralité n’interdit pas d’analyser le rôle de l’Eglise dans l’Histoire.

La pédagogie de Buisson est celle de l’éveil de la raison afin que l’élève puisse exercer son jugement : ne jamais consentir à baisser pavillon par ordre devant une autorité quelconque.  (Remarque personnelle : point très important à mes yeux alors que les menaces actuelle qui pèsent sur l’école sont tout autant politiques et économiques que religieuses).

La spiritualité n’est pas le monopole de l’Eglise. L’instituteur exerce un magistère moral. (N’en déplaise à Sarkozy et à son magistère moral du prêtre supérieur à celui de l’instituteur. Qu’a-t-on fait (au bon dieu) pour partager notre époque avec de tels zombis. Re-remarque personnelle).

  • Laïcité religieuse ou religions laïcisées ?

La laïcité n’est pas antireligieuse, mais elle n’est pas indifférente au fait religieux. Pour Buisson la laïcité est hostile à un « catéchisme d’Etat ». La religion est pour lui un trait humain transhistorique  qui véhicule une exigence d’absolu. La prière est personnelle et libre. La religion ne saurait investir l’espace public.

Depuis Léon XIII l’Eglise a développé une action sociale tout azimut. Buisson voit la laïcité comme une puissance critique qui refuse les vérités toutes faites. L’instituteur doit rester indépendant de l’Etat laïc. « L’Etat ne peut être juge des doctrines ». Cette autonomie et cette puissance critique poussent la laïcité à déployer dialectiquement ses principes fondateurs pour analyser par exemple les situations sociales, au nom de l’égalité et de la justice. Buisson fut ouvert au syndicalisme ouvrier et au féminisme.

Remarque : Dans l’évocation de la laïcité dans l’école on insiste à juste titre sur l’éviction de l’Eglise de l’espace scolaire public. On oublie par contre souvent l’aspect « positif » de cette éviction. En effet en même temps qu’on se libère « de », on se libère « pour ». Et si historiquement c’est de l’Eglise qu’il fallait se séparer, l’objectif en est la construction d’un espace libre et libéré permettant la formation chez l’élève d’un esprit critique nécessaire comme présupposé à sa vie d’individu libre et de citoyen. Je pense qu’aujourd’hui, en dépit de quelques cas d’élèves affichant leur appartenance religieuse dans l’école, les menaces sur la laïcité viennent plutôt de l’intégration dans un discours économique, lié à la « stratégie de Lisbonne » en 2000, visant à faire de l’Union Européenne « l’économie de la connaissance la plus performante au monde ». L’école est à ce titre « embeded » dans les stratégies politico-économiques au titre d’intrant majeur et de tri sélectif des élèves conformément aux besoins projetés de notre économie de la concurrence et de l’efficacité. Toutes les réformes qui se succèdent à un rythme effréné depuis cette date en portent la marque, du premier degré à l’université.

Mais ce sera l’objet d’un autre travail  que de l’analyser.

Dans une approche discursive de cette question de la Laïcité, je pense qu’il est nécessaire de partir d’une définition historique ouverte qui souligne la formation d’un espace discontinu marqué par une autonomie des diverses sphères de la vie sociale et politique. Ce qu’on appelle d’ailleurs le « totalitarisme » se caractérise par la disparition de l’autonomie de ces sphères sphères puis distinguer les trois domaines où s’applique cette notion : l’Etat ; la société et l’école.

Montrer pour chacune leurs trajectoires historiques de 1789 à 1905 pour ensuite arriver à la situation actuelle dans l’Etat, la société et l’école confrontés aux évolutions et aux contestations.